Je reviens du vernissage de mon show de la galerie Fresh A.I.R. (Artist in Recovery) à Columbus, Ohio.
(https://disabilitystudies.osu.edu/events/pierre-leichners-altered-books-project-fresh-air-gallery)
Cette galerie a le mandat de montrer les oeuvres se rapportant aux maladies mentales et aux addictions. La situation dans l’Ohio demeure difficile alors qu’une majorité de ses résidents sont sans assurance maladie.
Par ailleurs, lors de mes présentations, on m’a demandé souvent pourquoi mon changement de profession.
Dans ce dernier bulletin, je veux partager avec vous 3 suggestions.
Do the right thing! Now!
Cela m’a pris une trentaine d’année pour y arriver donc cela est plus facile à dire mais difficile à faire. Les systèmes dans lesquels nous travaillons nous habituent à penser d’une certaine façon. On arrive à accepter qu’il n’y a pas d’alternative ou encore de budgets suffisants, etc. En pratique cela peut se traduire par des pressions accrues pour voir plus de patients en moins de temps (« être plus performants »). Cela peut aussi provoquer des situations, où dans un système complexe et compartimenté, on en arrive qu’à ne produire des évaluations dans l’espoir d’aiguiller les « bons patients aux bons endroits », sans vraiment qu’il reste du temps pour les traiter ! De plus, la stigmatisation de nos patients et de nous comme soignants en santé mentale est encore répandue, et a besoin de nos efforts accrus et de nos voix confiantes.
Ma formation dans les beaux-arts m’as appris à voir plusieurs points de vue et à questionner tout système ou organisation qui ce veut dogmatique. Pour moi, lorsque j’étais en administration, cette appréciation m’aurait peut-être permis de refuser à faire partie de la fermeture de certains programmes en externes ou a l’inverse de l’ouverture de lits hospitaliers. Plus de courage et de croyances dans mes convictions m’auraient peut-être aidé.
On est de plus en plus soumis à des diktats sur la manière d’organiser son travail et sa vie personnelle pour mieux performer. Les médecins eux-mêmes agissent souvent comme s’ils étaient devenus de petites entreprises. Un essai qui peut être utile pour se confronter à cette réflexion est celui de Michel Perreault (www.michelperreault.com):
Je ne suis pas une compagnie! L’intrusion des valeurs corporatives dans notre intimité
Aux éditions Stanke (2011)
Partager ses connaissances.
« Knowledge is power. » Il m’arrive parfois encore d’hésiter à partager mes idées sur des projets avec mes collègues artistes. C’est peut-être relié à la crainte que cette idée leur apporterait le succès avant moi ! Heureusement, je me corrige. Au début de ma carrière, on m’avait enseigné à garder une double identité, particulièrement avec mes patients. Tout un discours intérieur se passe pendant les entrevues qui ne devaient pas être partagé. Heureusement, ma formation en pédagogie, les thérapies cognitives et mon implication avec des groupes de soutien ont agi de façon à me faire rapidement abandonner cette position. Comme artiste, je réagis encore une fois aux oeuvres obtuses présentées uniquement à un public informé. Pour moi les oeuvres les plus réussies peuvent engager les enfants autant que les adultes, ceux qui fréquentent les musées autant que ce qui ne suivent pas l’art contemporain. Bien qu’il y existe toujours une inégalité de pouvoir entre étudiant et professeur ou patient et docteur, le respect doit être mutuel et l’échange ouvert de l’information peut aider à diminuer ces inégalités.
Regarder, penser plus « entre » et « autour » que « par- dessus”
Ce qu’il y a de plus intéressant n’est pas nécessairement un événement en soi mais plutôt tout ce qui l’entoure. Ce n’est pas le hockey qui est le plus intéressant mais ce que le hockey fait aux gens. Beaucoup d’information se transmet par le langage du corps et par le ton de la voix. Que cela concerne la recherche ou le travail clinique, les questions et les observations les plus riches se posent autour des faits et des actions. La Revue Canadienne de Psychiatrie du mois de Septembre explore la médecine fondée sur des données probantes. Whithley et autres suggèrent le besoin de plus d’ouverture aux diverses sources de connaissances. À ce sujet je recommanderai aussi The User Illusion par Tor Norretranders Editions Viking.
Ma dernière installation TomatoesToo Go est une célébration de la force de la nature et de la beauté, même dans le grotesque, en mélangent le tout avec de l’humour comme antidote à la certitude.
Comme le philosophe Umberto Eco l’a écrit: “le diable est la foi sans sourire… pendant que la mission de ceux qui aiment l’humanité est de faire la vérité rire.”
Meilleurs voeux pour la nouvelle année!